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Conscience?
Ce n'est pas nouveau, ce mal de vivre qui m'habite depuis ma plus tendre adolescence, voire plus loin. C'est vraiment dans ma treizième année que j'ai pris conscience de mon désarois de vivre dans cette vie ( tiens, 13....).
Il fut difficile de trouver le pourquoi, dans ce monde où l'on vous répète à tout bout de champ que nous sommes dans le meilleur des systèmes, que la modernité et la société touchent à l'idéal et que demain sera toujours mieux qu'aujourd'hui.
Pourtant, je ne voyais rien de tout cela autour de moi. Depuis ma naissance et ma prise de conscience au monde, les crises se succédaient et à chaque fois, le mot rigueur était prononcé un peu plus fort encore. Mais si les choses s'arrangeaient un peu, sans jamais revenir au niveau initial, une autre crise venait, puis ainsi de suite.
Alors comment, 35 ans plus tard, peuvent ils nous sortir le même vocabulaire, avec encore plus de conviction?
Ce n'est plus un mystère pour moi.
Pour ce qui est de mon mal-être, également, il n'y a plus de mystère. Je suis un enfant déraciné, coupé de sa source, comme tant d'autres humains de nos jours. Je parle des vraies racines, pas des glands qui nous ont fait pousser sur cette Terre de plus en plus aride ( pardon Papa et Maman, ce n'est en rien pour vous, c'est une métaphore généraliste ). Non, les racines sont beaucoup plus profondes, elles viennent de plusieurs siècles, d'une multitude de générations, d'un ancrage à la Terre, à un pays, à une culture. Et comme souvent, c'est la guerre qui a fait mon déracinement.
La seule culture que l'on m'a enseignée, c'est l'individualisme, la compétition, donner 2 euros ( francs, à l'époque ) si j'en avais 100...
J'ai compris mon dégoût et mon déracinement en lisant et en regardant certains reportages sur des peuplades primitives ou des reportages sur certaines régions européennes ( vous remarquerez que les personnages suivis dans ces reportages sont très bien ancrés sur leur Terre et qu'ils se plaignent tous d'un glissement irréversible dû au tourisme - ou à l'immigration, dans un plus vaste mouvement - ).
J'ai compris en lisant Vincenot, particulièrement.
Je viens de relire celui-ci, éloquent :
Cela se passe au début de la dernière guerre et c'est sans aucun parti pris. Sa vision d'une intelligence rare, pour l'époque ( écrit en 1941 ) décrit la vie d'une ferme bourguigonne lors de l'arrivée des allemands.Ca va être un peu long, mais pour vous donner une idée, voici un extrait particulièrement représentatif du livre :Ce fut une grosse déception pour moi de constater que ces belles natures, si riches jadis, étaient devenues si molles, si peureuses, et j'en déduisis qu'il n'y a de belles natures, mais que l'opulence, la vie facile, a vite fait de donner aux hommes des airs de largesse et de bonhomie qui se fanent au moindre malheur.Cette race des Auxois, que je connais bien, d'habitude si drue, si généreuse malgré son amour du gain, était devenue méfiante et égoïste. Ainsi, au cours de la vie, on découvre soudain que des gens qu'on estime ne sont ni plus ni moins estimables que quiconque. Jamais surtout je n'aurais pensé que le père Ernest, si équilibré, eût pu penser, de sang froid, au crime et au suicide. Sous le choc des évènements, il flanchait, comme une poire blette de belle couleur qui éclate et s'écafouille* entre les doigts. Jamais, non plus, je n'aurais pensé que M. de Levrotte pût affamer des prisonniers confiés à ses soins. Mais j'ai remarqué que ces hobereaux, si guindés et si rigides, huppés ou non, sont d'une race assez lâche, dans toutes les provinces que je connais.Bref, j'ai perdu, au cours de l'occupation allemande en France, toutes mes illusions enfantines et toute ma fierté. Voilà qui vous mûrit un homme et vous le rend sceptique ! Après cela, on rit lorsqu'on entend ces bons apôtres vous chanter : " Ah ! cette jeunesse n'a plus d'idéal ! Elle ne s'enthousiasme pour rien, elle n'est fidèle à rien !"Mais bon Dieu de bois, nous sommes échaudés par vos exemples, et nous sommes comme vous, beaux moralistes, l'hypocrisie en moins.C'est tout.* S'écrase, s'écrabouille.Henri Vincenot "Ducôté de Bordes" Le livre de poche N°14872
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Commentaires
1anneDimanche 6 Janvier 2013 à 08:53... Oui, je suis d'accord.... Je te souhaite néanmoins ainsi qu'à Laurence et aux filles de vivre cette douceur possible, ce sentiment de "confort" et de paix surtout. Je crois que c'est peu demander et qu'il faut demander beaucoup mais ça, c'est une autre histoire...Répondre-
Ferlin1Lundi 7 Janvier 2013 à 19:52La Paix, elle est intérieure ou pas... J'espère l'avoir bientôt. Bises.
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2anneMardi 8 Janvier 2013 à 14:50Oui intérieure, ou pas.Je te souhaite de la trouver cette paix que nous sommes beaucoup à rechercher. Pour ma part, j'ai croisé bien souvent son chemin, parfois je l'ai approchée, à d'autres moments je lui ai tourné le dos mais jamais, jamais je n'ai pu la contenir suffisamment longtemps et m'en abreuver au quotidien.Lorsque notre esprit nous tourmente ou que la vie est trop dure ou notre corps nous fait souffrir, il est extrêmement difficile de l'accueillir ou de savoir la reconnaitre ou est-ce elle qui nous boude parce que nous ne lui laissons aucune place ?A notre décharge, les temps ne sont pas idéaux pour ETRE en paix, n'en déplaise aux théoriciens new-ageux. Je ne crois pas en la possibilité d'un état de paix constant. Ainsi que le bonheur. Ce sont des instantanés, des cadeaux hors de prix, des moments hors du temps, justement. Ce sont eux qui nous font espérer, eux par qui l'espérance est possible car en entrevoyant ces états de plénitude, preuve est faite que cela existe. Certain le ressentent furtivement lors d'orgasme mais là, il s'agit du corps/matière et est plus furtif et paradoxalement moins intense, ce qui explique aussi cette recherche parfois effrénée. Douce journée, avec toute ma tendresse.-
Le bonheur n'est peut-être qu'une idée, Anne... Une idée que l'on se forge et, à force, que l'on s'impose... C'est peut être juste un état d'esprit, une vague impression de ne pas se laisser toucher par le monde et ses terreurs quotidiennes... Je ne sais pas ce qu'est le bonheur. Je te dirais cela quand je serais mort. : ) Bisous Anne.
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